Adieu les Cons

Adieu les Cons
Adieu les Cons

Je me souviens des premiers jours du premier confinement, en mars 2020. J’ai en souvenir les toutes premières réflexions qui jaillirent spontanément des esprits ébaubis devant cet improbable événement d’être sommé par les plus hautes instances du gouvernement de rester cloîtré chez soi. On parlait déjà alors du monde d’après…

Mes voisins ont spontanément proposé la création d’un groupe WhatsApp pour rester en contact et se dépanner si nécessaire.
Immédiatement, un monde sans voiture, sans bruit et sans pollution s’est dessiné sous nos yeux confinés. On s’étonnait d’entendre les oiseaux chanter dans le ciel insolemment bleu (si si, rappelez-vous comme il faisait subitement beau) et libéré de toute traînée de réacteurs…
Un nouveau monde tentait-il de se profiler, rempli de rêves écologiques et d’économie équitable, baigné de compassion, d’entraide et d’attention pour son prochain ?

On y a cru un moment, à ce monde d’après…

Le dernier film d’Albert Dupontel est sorti juste avant le 2ème confinement, c’est à dire pendant la courte période de liberté à peine retrouvée, mais où tout avait déjà eu le temps de reprendre sa course effrénée : re-voitures, re-bruit, re-pollution… Re-bonjour les cons (que nous sommes tous à notre manière, ne nous voilons pas la face…) !

A 43 ans, Suze (Virginie Efira) part à la recherche de son fils que ses parents lui avaient imposé de confier à l’assistance publique après lui avoir donné naissance sous X. La gamine qu’elle était avait alors 15 ans, elle était amoureuse, gorgée de vie et d’insouciance. Mais voilà, aujourd’hui, cette mère qui ne s’est jamais remise d’avoir  abandonné son enfant est victime d’avoir inhalé trop de laques dans son salon de coiffure : elle va « mourir d’un excès de permanentes. » Comme un refus de ce monde industrialisé qui ne vit plus qu’à travers le carriérisme, la finance et les écrans, son corps s’auto-sabote en développant une maladie auto-immune rare. Il ne lui reste que très peu de temps pour expier sa faute.

JB Cuchas (Albert Dupontel) est un informaticien de l’ombre au génie non reconnu. Il travaille pour les Affaires Intérieures, et peut accéder à n’importe quelle information confidentielle grâce à sa capacité d’immixtion qu’aucun système de sécurité ne saurait freiner. Mais voilà, sa hiérarchie ne lui confie finalement pas le grand projet sur lequel il travaille depuis des mois. On lui annonce sans détour que son style has-been doit laisser place à une jeunesse tout droit sortie des hautes écoles. Cette terrible injustice va le pousser à commettre l’irréparable…

Dans un monde ou l’intimité est quotidiennement violée (par l’informatique, les réseaux et la surveillance d’un big brother omniscient), mais où l’intime ne trouve plus de voie d’expression, Suze et JB se retrouvent unis par les circonstances et la force des choses. Ils fuient ce monde déshumanisé pour retrouver leur part d’humanité bien à eux.

Ce que cette bureaucratie foldingue ne permet pas, ce que ce sytème aliénant n’autorise pas, le coeur le trouve et le délivre. Par la poésie de certaines scènes, des dialogues aux délicieuses subtilités, mais aussi dans une rage que Dupontel sait au combien et avec quelle dextérité faire hurler, l’histoire emporte dénonce et confirme l’engagement tant politique que créatif du réalisateur. On y retrouvera du Terry Gilliam (des Monthy Python, qui fait un clin d’oeil à travers un spot publicitaire pour une marque de fusil de chasse), du Jean-Pierre Jeunet (notamment dans un plan séquence où se superposent les souvenirs d’une rue décrite par un aveugle et les reflets de rangées de buildings, de banques et de bureaux d’affaires…), mais la patte d’un Dupontel toujours aussi écorché griffe encore une fois de son style unique un scénario rythmé, burlesque et touchant.

Peut-être sans atteindre le niveau d’Au-revoir là-haut ni de 9 mois ferme, (mais le message n’est pas le même), se laissant de ça de là aller vers un lyrisme aux traits un peu trop forcés, Dupontel s’offre néanmoins encore une fois un très bel opus de son art si unique où se mêlent sans concession rage et tendresse.

 

 

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