En Guerre

Perrin Industrie est une entreprise spécialisée en sous-traitance de fournitures pour l’industrie automobile.
Il y a quelques années, elle a été rachetée par un consortium allemand, qui, sous prétexte de recherche de compétitivité, a demandé à tous les salariés de gros sacrifices sur les salaires et les primes existantes. Le deal était un effort accepté par les salariés contre un maintien des postes pendant 5 ans.
Mais voilà, au bout de deux ans et après avoir affiché plus de 17 millions d’euros de bénéfices globaux l’année précédente, le groupe financier décide de fermer le site d’Agen, et de licencier sans autre considération les 1100 salariés  qui ont juste l’impression de s’être faits berner. Pour couronner la félonie, une décision de justice a validé la clôture définitive du site.

Emmenés par leur porte-parole (Vincent Lindon) vindicatif et exacerbé par cette scélératesse, ils vont tout tenter pour défendre leur droit à travailler : Ils sont en guerre.

C’est un combat sans merci qui s’installe alors, mais une lutte dans laquelle les protagonistes ne sont pas armés avec grande équité. La surpuissance d’une machine de guerre économique, animée par une course sans fin aux rendements et aux dividendes, qui broie tout sur son passage, face à d’irréductibles petits travailleurs individuels ou syndicalisés, révoltés ou résignés, violents ou soumis, mais tous unis (un temps au moins) dans la peur de la précarité qui les menace.

Vincent Lindon, seul acteur professionnel du casting, est puissant, entièrement possédé par la rage intérieure qui brûle son personnage jusqu’à la fin.
Un peu comme dans La Loi du Marché (et un rôle qui lui avait permis de remporter le prix d’interprétation à Cannes en 2015), l’acteur électrise un noyau de comédiens amateurs, improvisés pour l’occasion, et le résultat donne une réalité grave et profonde aux répliques cinglantes, justes dans leur sincérité, qui s’échangent sur un fonds de violence et de révolte résolument à propos.

On notera le petit pied de nez de Martin Hauser : dans le film, il est le PDG indécrottable de la multinationale allemande, qui refusera toute ouverture de négociations apaisées comme l’offre de rachat par une entreprise française appuyée par le gouvernement, alors que dans la vraie vie, il est avocat spécialisé en droit des affaires et de la propriété et surtout fervent défenseur de l’idée que le différend ne doit pas systématiquement se régler devant un tribunal, mais au sein d’une médiation !

Comme les salariés de Perrin Industrie (qui est totalement fictive), ou comme ceux de Goodyear, Continental, Whirlpool, Sanofi (et tant d’autres), nous nous retrouvons complètement désemparés devant le rouleau compresseur qu’est ce film. Que ce soit par le stress généré par les dialogues au flux aussi exaspéré que violent, le brouhaha pesant des interminables réunions, ou par le désespoir inavouable face à une cause perdue d’avance, on ne sort pas indemne de la salle de projection. On en sort le coeur lourd et la conscience dépouillée.

Pourtant

« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »

Bertolt Brecht

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