Le Marquis des Arcis est un irréfrénable séducteur.
Ce qu’il aime par dessus tout : obtenir les faveurs les plus inaccessibles. L’intensité de ses amours, bien qu’éphémères, est à la hauteur de son opiniâtreté à les obtenir.
Edouard Baer incarne ce marquis d’une manière viscérale et sublime. Dans un jeu de poésie et de maîtrise plus qu’élégante du verbe, il charme ces dames au coeur fragile, fascine les plus hostiles, amadoue les plus récalcitrantes.
Madame de la Pommeraye, que porte Cécile de France au faîte de sa beauté de jeune veuve encore extrêmement séduisante, éconduit avec arrogance le pauvre marquis pendant des mois. Mais sous les promesses d’un éternel amour, elle succombe, malgré sa certitude d’être libérée des affres des sentiments amoureux, aux avances du galant libertin.
Mais la passion qui semblait indéfectible entre les deux tourtereaux s’estompe avec le temps. Monsieur, étant de nouveau absorbé par son travail et ses projets professionnels, délaisse son autrefois tant désirée, qui se fane comme une fleur dans un beau vase. Se jouant de la vérité qu’ils se sont jurée, Madame de la Pommeraye prêche la faux pour obtenir l’aveu de son amant quant à son ennui avec elle grandissant.
L’abandonnée se décompose devant une telle trahison, et va fomenter un plan diabolique pour mettre à terre son irrévérencieux amant.
Mademoiselle de Joncquières (magistralement interprétée par la diaphane Alice Isaac), fille d’une aristocrate déchue qui, sous un visage d’ange vertueux, offre dorénavant ses faveurs pour quelques écus dans un tripot, sera l’appât idéal. Le Marquis est instantanément subjugué par l’apparente pureté de cet être chaste et angélique, et, à défaut de vendre son âme au diable est prêt à céder ces terres et ses richesses pour obtenir la belle.
Dans l’apparat d’un XVIIIème siècle où la morale se frotte au libertinage, les valeurs vacillent entre pérennité et précarité, où le plaisir s’oppose au bonheur, le film d’Emmanuel Mouret est étonnamment contemporain. La cause féministe n’est pas loin, Madame de Pommeraye brandissant l’étendard qui engagerait ses contemporaines à punir et éduquer la gente masculine pour un monde meilleur…
Les plans sont soignés, la photographie tout en pastel, dans les salons où les tapisseries et les robes de Cécile de France se fondent avec douceur, où tout en graphisme et symétrie dans les parcs et les allées des châteaux, est reposante.
Le tout est rondement mené, l’intrigue est tenu jusqu’à la fin, où les sentiments véritables, bravant les bienséances de la société et la morale acceptée de l’époque, finissent par s’animer autour d’un personnage trop éteint jusqu’alors.
La pierre cachée est en fait dans le coeur de là où l’on sait chercher.